Hypersensibilité : super-pouvoir ou malédiction ?

Mais d’abord, de quoi parle-t-on ?

L’ennui, lorsque l’on parle d’hypersensibilité, c’est qu’il n’existe à l’heure actuelle ni définition officiellement reconnue, ni critères de diagnostic universellement établis et acceptés par la communauté scientifique. En demandant autour de nous, il semblerait qu’il existe “autant de définitions de l’hypersensibilité qu’il n’existe d’hypersensibles”. Ou d’ailleurs, d’ultra-sensibles, de personnes hautement sensibles, d’empathes, etc. pour ceux à qui le terme en lui-même — peut-être utilisé à tort et à travers voire galvaudé depuis quelques années — déplait ou dérange.

L’hypersensibilité étant donc un domaine vaste, plusieurs conceptions existent, reflétant les expériences de chacun. 
Tandis que l’un parlera plutôt d’hypersensibilité sensorielle, l’autre évoquera davantage l’aspect émotionnel, ou une combinaison des deux. Certains en parleront même en des termes quasi spirituels — d’autres comme une intuition ou une empathie décuplées.

À l’origine du concept

Pour Elaine Aron, psychologue clinicienne américaine à l’origine du concept dans les années 90, l’hypersensibilité serait un trait de personnalité, biologique et inné, inscrit dans le fondement même du système nerveux — un mode de fonctionnement à part entière donc, au même titre que n’importe quel autre neuro-divergence (ou fonctionnement cérébral “hors norme”).
C’est elle qui a établi le principal test existant aujourd’hui pour identifier une hypersensibilité, ou Sensory Processing Sensitivity (sensibilité dans le traitement de l’information sensorielle en français). Ce test vous propose de vous reconnaître — ou non — dans une liste de 27 critères subjectifs, censés refléter votre expérience de la vie, par le prisme de la sensibilité sensorielle, émotionnelle, empathique, esthétique… Plus vous cochez de cases, plus votre “score” SPS se confirme — le seuil d’identification du trait étant établi à partir d’environ 14 réponses positives selon Elaine Aron. Ce test mesurerait donc à la fois si ce trait existe chez vous, mais également sa prédominance.
Comme tout autre trait, l’hypersensibilité peut être un atout ou un désavantage, une force ou une faiblesse. Selon notamment le contexte culturel ou familial, la sensibilité peut être bien ou mal considérée, et par conséquent un excès de sensibilité peut être plus ou moins bien ou mal vu. Dans les sociétés qui privilégient la pensée rationnelle au ressenti émotionnel, des “tu es trop sensible” maintes fois répétés depuis l’enfance entraînent bien souvent une perte d’estime de soi : on se sent anormal et cette sensibilité en devient un fardeau qui nous isole, une souffrance.

Pour beaucoup de professionnels de la santé mentale, l’hypersensibilité serait davantage un symptôme d’un autre trouble (Trouble Anxieux Généralisé, TSA, etc.) qu’un fonctionnement à part entière.

Hypersensibilité et PNV

En PNV, nous observons et corrigeons les dysfonctionnements du système nerveux. De par notre pratique, la notion d’hypersensibilité s’empreint dès lors d’une toute autre nuance. Nous constatons que chez certaines personnes, il existe en effet une hyper-réactivité dans la perception et la transmission de l’information sensorielle, physiologique et émotionnelle, mesurable objectivement via le placement et les micro-mouvements des yeux en réponse à des stimulations précises. Cette hyper-réactivité est un dysfonctionnement du système nerveux — conséquence de sur-stimulations constantes, de traumatismes physiques ou émotionnels, d’agressions de l’environnement… — qui peut être corrigé pour ramener le système nerveux à l’équilibre dans son fonctionnement.

Pour certains, la déformation nerveuse va se manifester principalement au niveau du système sensoriel, chargé de la perception, l’intégration et la transmission des informations de notre environnement physique et social — la vie de relation. Ces informations y sont perçues avec trop d’intensité : bruits, odeurs, lumière, toucher, gens, etc. En conséquence, on va peut-être éviter les lieux bruyants, mettre des lunettes de soleil, des écouteurs ou même des boules Quies, ne plus porter certaines matières dont le toucher est insupportable ou de parfum, des étiquettes qui grattent, des vêtements ou accessoires qui serrent ou “engoncent”, éviter les foules ou même les situations de groupe…

Tout en devient plus pénible, épuisant, saturant voire agressif ou chaotique, entraînant souvent un besoin vital de s’isoler, parfois même de fuir les situations sociales. Un sentiment de solitude, de marginalité ou d’isolement social peuvent en découler — un grand besoin de contrôler ou réguler son environnement aussi, vaine tentative d’organiser le chaos ressenti.

La rééducation PNV dans ce cas visera à réguler cette hyper-réactivité sensorielle afin d’apaiser la perception des stimuli de notre environnement physique et social. Progressivement ces perceptions extérieures paraîtront plus ajustées et par conséquent il sera plus facile d’interagir avec l’environnement — sans s’épuiser en résistance et compensation —, de profiter de chaque moment sans saturer, d’être au repos.

Pour d’autres, la déformation nerveuse se ressentira principalement dans la perception émotionnelle. Chaque émotion, sentiment ou état d’âme sera perçu de manière exagérée, entraînant une hyper-émotivité ou hyper-réactivité émotionnelle. Ces perceptions exagérées s’étendant bien souvent aux émotions des autres, on parle aussi beaucoup d’excès d’empathie, voire de sympathie pour ces personnes. Elles peuvent pleurer souvent ou trop facilement pour ce que les autres peuvent considérer de petites choses. On leur dit souvent qu’elles prennent tout trop à cœur, sont “à fleur de peau” ou se prennent trop la tête. Les émotions arrivent si fort qu’elles peuvent difficilement faire autrement sans s’en couper totalement, et semblent presque être régies par leurs cœurs.

La rééducation PNV agira également sur cette partie, en ajustant tout d’abord l’intensité avec laquelle les émotions sont perçues : le “bouton du volume” des émotions est remis à son niveau approprié et l’on se sent moins submergé, l’empathie est moins envahissante ou débordante. De ce fait, les émotions ressenties gagneront en clarté — lorsque nos émotions sont trop envahissantes ou au contraire trop floues, ce que l’on ressent profondément peut être terriblement confus : ma colère est-elle réellement de la colère, ou cache-t-elle plutôt de la tristesse, de la peur, de la honte, de la douleur ?

Pour d’autres encore, la déformation nerveuse va être aussi forte dans les deux zones, sensorielle et émotionnelle, et la rééducation PNV agira sur les deux et de manière complémentaire.
En rééduquant parallèlement la sphère sensori-motrice à l’émotionnelle, le positionnement social est naturellement plus ajusté, apportant une facilité à percevoir les émotions des autres sans en être affecté. Cette tendance est renforcée par un plus solide positionnement intérieur et plus de discernement, ainsi que de la clarté sur le plan émotionnel, identitaire et mental.

Notre vision de l’hypersensibilité

Quatre personnes en cours de rééducation PNV plus ou moins avancée se sont portées volontaires pour remplir le questionnaire-test d’Elaine Aron, afin de déterminer leurs niveaux d’hypersensibilité, avant et après — ou pendant — leurs parcours PNV respectifs. Les personnes choisies pour cette “expérience” ont été sélectionnées car elles s’identifiaient déjà comme hypersensibles avant même leur entrée dans la Pédagogie Neuro-Visuelle.
Leurs résultats et les écarts avant/après sont assez variés, mais relativement proportionnels à leurs niveaux d’avancée dans la méthode.
Sujet 1 : avant 21/27 — après 9/27*
Sujet 2 : avant 19/27 — après 12/27
Sujet 3 : avant 19/27 — après 14/27
Sujet 4 : avant 17/27 — après 9/27
*Pour rappel : le test contient 27 questions au total et le seuil d’identification du trait est établi aux alentours de 14 réponses positives.

Pour éviter les erreurs (ou subjectivités) de traduction, nous avons choisi la version originale du test, c’est-à-dire l’anglais, car selon les versions de traductions, les questions peuvent plus ou moins grandement varier, voire certaines d’entre elles peuvent disparaître totalement.
Tout en constatant que certains critères sont bien plus sujets à interprétation que d’autres, les résultats reflètent néanmoins une très nette progression chez ces sujets.

Ces écarts de résultats nous amènent notamment à l’hypothèse suivante : comment différencier l’Hypersensibilité “innée” de l’hypersensibilité comme déséquilibre nerveux. La première est dûe à un seuil de perception des informations nerveuses très bas (c’est-à-dire un système nerveux qui capte et traite plus d’informations que la moyenne, et/ou à des niveaux plus subtils), et la deuxième est une déformation exagérée des perceptions par le système nerveux, résultant d’un dysfonctionnement.
L’une est naturelle, avec comme tout trait ou neuro-divergence ses avantages et ses inconvénients, tandis que l’autre est plutôt une cause de souffrance. La PNV peut réguler cette déformation afin de ramener le système nerveux à son équilibre, mais ne modifiera en rien le seuil de perception bas, inné. Ces deux types d’hypersensibilité vont souvent de pair, le profil nerveux Hypersensible étant bien souvent mal adapté à notre société/monde, qui lui demande de se conformer à un mode de fonctionnement qui va à l’encontre de sa nature profonde. Cette sur-adaptation finit par dérégler la fine mécanique de ces systèmes nerveux, qui se retrouvent dès lors Hypersensibles et hypersensibles !
Car même si l’Hypersensibilité peut faire souffrir, notamment dans un contexte familial ou social où elle serait mal accueillie, ou qui pousse à la conformité, de nombreuses possibilités existent pour apprendre à s’accepter et vivre pleinement sa propre normalité, et trouver sa tribu. L’hypersensibilité, elle, n’est pas une nature différente à adopter et épouser. Elle demande au contraire des compensations permanentes et qui, à terme, épuisent le système nerveux — et causent mal-être, fatigue chronique, états dépressifs, burn-outs…
Difficile de se positionner correctement lorsque la perception de notre environnement extérieur et/ou intérieur n’est pas en phase avec la réalité, de connaître ses limites et encore moins de savoir les poser, se connaître soi-même et s’aimer, avoir des relations saines et harmonieuses avec nos proches, faire les bons choix pour nous. Comment vivre pleinement dans le moment, au repos, en toute sérénité, lorsque notre cerveau utilise et épuise son énergie et son potentiel pour compenser un dérèglement nerveux ?

Tenez bon, on a presque fini !

Les perceptions de l’Hypersensibilité seraient donc plutôt naturelles tandis que celles de l’hypersensibilité sont plutôt dysfonctionnelles.

Voici donc notre façon — peut-être un peu simpliste et binaire — d’appréhender un concept sans définition fiable ou établie scientifiquement. Mais qu’en est-il des autres interprétations multiples du sujet rapidement évoquées en début d’article ? Ne serait-ce que dans la vision d’Hypersensibilité comme neuro-divergence, tant de versions aux nuances variées coexistent. Pour n’en citer qu’une à l’intérieur de notre groupe de praticiens PNV : l’homo-empathicus, basé sur une théorie de Jeremy Rifkin et son idée de l’évolution de l’empathie vers un autre genre d’être humain, et développée ici par Hélène van Seters-Husson. Elle évoque notamment tout un aspect de conscience et de spiritualité, et son hypothèse tient compte des deux types d’hypersensibilité.

Que nous parlions d’Hypersensibilité ou d’hypersensibilité, vous avez sûrement votre avis sur la question. Quelle est donc votre définition de l’hypersensibilité ? Est-elle davantage un fonctionnement, un symptôme, les deux, ou quelque chose d’encore différent ?

Hypersensiblement vôtres,

Marina Jaquet

Bergerac – Périgueux
Yuluka
1055 chemin du vergt,
Lembras (24)
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Sophie Delagrange

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Références :
Sur les sables mouvants : l’hypersensibilité – Nathalie Boisselier
Instagram – Confidences de psy
www.leshypersensibles.ch
Sur les sables mouvants : le HPE – Nathalie Boisselier
L’hypersensibilité. Qu’est-ce qu’elle cache ? – Stephanie Aubertin
Site Web d’Elaine N. Aron
Vers une définition de l’Hypersensibilité – Psychologue.net