BURN-OUT ET
ÉPUISEMENTS NERVEUX
Nos systèmes nerveux sont en sur-stimulation et en sur-demande permanentes, et ce, que ce soit dans le cadre professionnel ou privé, familial, social… et souvent la combinaison de plusieurs de ceux-ci. Une fatigue nerveuse et émotionnelle peut dès lors commencer à s’installer, progressivement, tandis que la capacité de récupération, elle, a plutôt tendance à diminuer. Les conséquences se font sentir, plus ou moins rapidement selon, notamment, nos capacités de compensation, de résilience, nos zones d’équilibre préservées… pour éventuellement culminer un jour et là, peut-être : le burn-out, l’effondrement.
On peut décrire plusieurs types d’épuisements nerveux et émotionnels, selon leur origine par exemple, leur degré d’avancement ou leur sévérité, mais au final leurs manifestations sont remarquablement similaires entre tous. Le plus tristement célèbre d’entre eux reste, bien entendu, le burn-out.
Faute de consensus, il est difficile de chiffrer ce que peut réellement représenter le burn-out en France (cela varie de 12 à 34% des salariés, entre 2019 et 2022 selon les sources) ou dans le monde, mais tous semblent plutôt d’accord sur un point : la détresse au travail gagne du terrain et touche de plus en plus de monde. L’explosion de cas durant la période de confinement dû au COVID-19 n’a fait que confirmer cette tendance et inscrire pour beaucoup le burn-out au rang de fléau moderne.
LE BURN-OUT OU SYNDROME D’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
Quand on parle de burn-out, on parle, officiellement, d’épuisement professionnel, c’est-à-dire dans le cadre du travail. Plus spécifiquement, on entend par là un épuisement physique, mental et émotionnel lié à un manque de sens au travail et/ou une relation malsaine avec le travail.
Le terme burn-out faisant désormais partie du langage courant, il est important de distinguer l’utilisation colloquiale de la caractérisation officielle et ses implications médicales et juridiques.
L’OMS définit le burn-out comme étant un “syndrome conceptualisé résultant d’un stress chronique en milieu de travail qui n’a pas été géré avec succès” et que “l’épuisement professionnel se réfère spécifiquement aux phénomènes dans le contexte professionnel”.
Si le burn-out est donc bien un épuisement causé par le travail, ses conséquences se répercutent sur tous les autres domaines de la vie.
Il se traduit par un épuisement émotionnel, une dépersonnalisation ou du cynisme avec une insensibilité à l’environnement de travail et une déshumanisation des autres, un sentiment de non-accomplissement ou d’échec professionnel et une incapacité partielle ou totale à réaliser son travail.
Le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel est donc un trouble à la fois émotionnel, physique et psychique résultant d’un stress chronique dans le cadre du travail.
Il conduit à des troubles physiques (maladies cardio-vasculaires, troubles digestifs, fatigue musculaire, maux de dos…) accompagnés de troubles psychiques (anxiété, troubles du sommeil, pertes de mémoire, irritabilité…). Ce stress chronique perdurant finit fréquemment par causer une dépression majeure, qui dans ses formes extrêmes peut mener à une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral (AVC) ou même un suicide.
Le burn-out résulte d’exigences professionnelles excessives, qu’elles soient matérielles (temps, conditions ou contraintes de travail) ou émotionnelles (métiers psychologiquement difficiles, relations conflictuelles avec les collègues ou le public, harcèlement, violences verbales ou physiques, etc.), d’un manque de contrôle ou d’autonomie. “On s’use au contact des autres et de leurs demandes de plus en plus soutenues”, explique François Baumann1, médecin et auteur de “Burn-out, quand le travail rend malade”, et l’on se sent dépassé.
Outre le fait qu’il survienne dans la sphère professionnelle, une autre différence avec la dépression est qu’il est un processus de dégradation lié au rapport au travail — même si un état dépressif peut souvent résulter d’un burn-out, et que la distinction entre les deux n’est pas toujours si limpide.
AVANT LE BURN-OUT ? LE “BURN-IN”
S’il est intéressant de tenter de le distinguer de la dépression, il est également pertinent de différencier le burn-out du “burn-in”, qui est le stade d’épuisement pré-burn-out.
Il existe en effet différentes étapes dans le processus d’épuisement, dont le burn-out est le degré final, et le point de non-retour : l’effondrement.
Les manifestations peuvent être sévères, sans pour autant atteindre à proprement parler le stade de burn-out. Le stress chronique et la charge mentale et émotionnelle s’accumulent, mais la résistance persiste encore au stade du burn-in : “Les pneus de la voiture se dégonflent progressivement, on sent qu’avancer est de plus en plus difficile et pénible, mais les roues tiennent encore alors on continue, tête dans le guidon… tandis qu’au stade du burn-out, on a tellement roulé sur ses pneus à plat que les roues se sont détachées, et la voiture n’avance plus du tout et on est complètement bloqué, et même complètement perdu.” (témoignage PNV anonyme)
Le burn-in correspond donc à la phase de “résistance”, qui suit la phase d’alarme et précède la phase d’épuisement.2
Cette phase peut aller crescendo plus ou moins longtemps, selon les personnes et différents facteurs sociaux, psychologiques et biologiques, tandis que l’effondrement est généralement vécu comme soudain et correspond au stade ultime — le moment où le corps n’a plus aucune réserve d’énergie et de compensation possible.
Certains profils de personnes seront plus ou moins vulnérables, voire prédisposés : les personnes anxieuses ou avec des antécédents de dépression, celles qui ont de fortes attentes envers leur travail, les personnes perfectionnistes, consciencieuses, engagées dans un mécanisme de “performance” ou de productivité.
Les ressources d’énergie, très variables d’une personne à une autre, participeront à allonger ou raccourcir la durée de cette phase. Conjointement, l’accumulation ou la répartition de facteurs aggravants (cumul de stress dans les cadres professionnel et privé, situations de harcèlement, problèmes de santé, etc.) ou au contraire soutenants (zones d’équilibre préservées et nourrissantes, hygiènes de vie physiologique, relationnelle, sociale saines, etc.) contribuera aussi grandement à ralentir ou au contraire à précipiter cette phase.
On a vu notamment durant la pandémie COVID-19 une accélération de ces phases de détérioration, et une recrudescence de cas de mal-être au travail de plus en plus prononcés, dès lors que l’équilibre souvent déjà précaire de la vie privée/professionnelle s’est vu perturbé par le télétravail, l’école à la maison, l’absence de vie sociale, de hobbies ou d’exutoires…
Les dégâts à long terme du burn-out sont nombreux et plus importants qu’en burn-in : vieillissement précoce, conséquences cardiovasculaires ou musculaires, épuisement hormonal, hypersensibilité au bruit et à la lumière, parfois des acouphènes, pertes soudaines de mémoire, concentration altérée, fatigue chronique… Les dommages sont encore visibles deux ans après le début de l’arrêt maladie.
La durée de la phase de récupération variera elle aussi fortement puisque pour le corps, la différence entre un réservoir quasiment vide et une panne sèche est immense.
On se remet d’un burn-in, alors que l’on garde souvent des séquelles à vie du burn-out, en particulier s’il n’est pas pris en charge comme il faut.
“BURN-OUT” D’ORIGINE NON PROFESSIONNELLE
Même si on ne peut formellement parler de burn-out dans ce cas, la définition officielle se limitant au cadre du travail, il aura pourtant les mêmes caractéristiques cliniques et critères diagnostiques que son cousin professionnel. Seule son origine sera différente : il proviendra plutôt d’un contexte familial et surtout conjugal ou parental, ou encore social, scolaire, etc. Même s’il n’est pas à ce jour reconnu comme tel, les témoignages se multiplient et ressemblent à s’y méprendre à ceux du burn-out classique (d’origine professionnelle). On entend aujourd’hui de plus en plus parler du “burn-out parental” ou du “burn-out émotionnel”.
Malheureusement, cette absence de reconnaissance officielle engendre bien souvent des états de souffrance qui ne seront donc pas pris en compte correctement, perçus comme non légitimes, voire inexistants : “C’est dans ta tête.” ou “Ressaisis-toi.” Un grand sentiment de culpabilité ou même de honte accompagne très souvent ces expériences.
Selon Zablocki, Uyttendaele & Vanderheyden : “Dans le cadre du burn-out professionnel, le dysfonctionnement concernant le travail est en rapport avec des difficultés relationnelles avec la direction et/ou des collègues. Dans le cadre non professionnel, les difficultés rencontrées par le patient concernent des relations conjugales ou équivalentes (concubinage, compagne, compagnon…) ou des relations type parents–enfants, grands-parents–petits-enfants ou enfin, des relations de voisinage. Il faut en effet une certaine contiguïté entre la personne atteinte de burn-out et les dysfonctionnements relationnels. Au plus ce conflit est en rapport avec des personnes éloignées, au plus difficile on peut penser à l’évolution d’un burn-out. En effet, l’épuisement émotionnel caractéristique du burn-out intervient d’autant plus que le dysfonctionnement relationnel pose problème régulièrement et que donc, les personnes en cause dans ce dysfonctionnement relationnel sont relativement proches pour se rencontrer régulièrement.” 3
Mêmes s’ils sont si similaires, il sera important de pointer du doigt la bonne origine car la prise en charge devra s’adapter en fonction, du point de vue thérapeutique mais aussi au niveau des moyens à mettre en œuvre pour améliorer l’environnement mis en cause. En cas de burn-out professionnel, l’arrêt maladie, souvent suivi d’un changement de poste voire d’entreprise, permet de retirer totalement la personne du contexte ayant causé l’épuisement. En cas de “burn-out” personnel, retirer la personne de l’environnement source du problème est bien plus délicat, parfois même impossible.
D’un point de vue juridique, l’absence de reconnaissance officielle de burn-out dans ce cas, complique également la prise en charge : comment prescrire un arrêt maladie, ou une indemnisation dans le cadre de la vie privée ?
Pourtant le “burn-out” personnel porte tout autant atteinte à la santé physique et mentale que le professionnel, avec les mêmes impacts sur l’humeur, le comportement et la cognition.
“Pour moi, ce type de burn-out doit être plus difficile à guérir qu’un burn-out professionnel, car dans ce cas, les contacts humains familiaux ou sociaux sont en principe là pour vous aider…” 3
VARIATIONS SUR LE BURN-OUT : BORE-OUT, BROWN-OUT
À l’exact opposé du burn-out, le bore-out se définit comme un profond ennui lié à une sous-charge quantitative et/ou qualitative de travail. Elle provoque une insatisfaction personnelle d’être payé à ne rien faire, ou presque. La souffrance psychologique qui l’accompagne est due à la frustration de se sentir inutile, ou d’être un simple “bouche-trou” pour les quelques tâches rébarbatives qui sont confiées.
Le bore-out induit un sentiment de forte dévalorisation sociale, de perte d’estime de soi et une culpabilité de travailler au ralenti.
Les manifestations physiques et psychiques du bore-out ressemblent à celles du burn-out, en moins extrême généralement, tout en différant sur certains aspects : l’épuisement est moindre pour le bore-out, mais avec d’incessantes ruminations mentales sur son sort, et un fort sentiment d’inutilité (plutôt que d’échec comme dans le burn-out), fréquemment accompagné de conduites addictives (tabac, alcool, médicaments, drogues).
Le brown-out, quant à lui, correspond au sentiment d’effectuer des tâches qui n’ont pas de sens, sans qu’il n’y ait ni sous-charge ni surcharge évidente — ce n’est pas la quantité de travail qui est concernée, mais son intérêt.
Les tâches demandées ne sont pas sous-qualifiées, mais plutôt jugées insignifiantes, inutiles, voire absurdes. De ce fait, une perte graduelle d’intérêt dans son travail, de motivation voire de raison d’être s’installe et un sentiment de mal-être apparaît.
“Je sortais d’études de droit et mon employeur ne me confiait que les tâches administratives pourries dont personne ne voulait s’occuper. J’avais le sentiment de ne rien faire de stimulant et de combler les trous pour les décharger de ce qu’ils ne voulaient pas faire. Je manquais cruellement d’autonomie et de responsabilités au vu de ce qui m’avait été proposé initialement sur le papier.” – Témoignage anonyme
PRISE EN CHARGE & PÉDAGOGIE NEURO-VISUELLE
Une fois le problème identifié, que faire ? Quelle prise en charge pour se remettre d’un épuisement nerveux ?
L’arrêt maladie signe généralement la première étape, indispensable, qui vise à retirer la personne de l’environnement à l’origine du problème et lui permettre de se reposer.
Il faudra ensuite, assez rapidement, se faire aider, car on ne se sort pas seul d’un burn-out. Différents outils thérapeutiques existent, idéalement dans une approche pluri-disciplinaire. Les TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives) sont souvent recommandées en première intention, afin de s’attaquer concrètement et assez rapidement aux symptômes les plus gênants.
Les conséquences d’un burn-out sur le système nerveux sont sans équivoque — l’épuisement nerveux dû au stress chronique vient perturber, voire totalement modifier le fonctionnement cérébral, et tout particulièrement au niveau des voies neuronales du stress, de la gestion des émotions et des fonctions cognitives. Certaines études appuyées d’imagerie médicale ont pu démontrer un surdéveloppement de l’amygdale chez les personnes ayant vécu un burn-out, avec “un plus grand nombre de connexions neuronales entre les régions du cerveau associées au stress.”4
Le déséquilibre des systèmes nerveux sympathiques et parasympathiques entraîne quant à lui des dérèglements hormonaux (surproduction d’adrénaline, de cortisol, de noradrénaline…), et des sur-réactions de stress et d’anxiété augmentant de manière progressive et qui peuvent parfois se transformer en trouble anxieux plus généralisé, trouble panique, syndrome anxio-dépressif, etc. — on entre dans un cercle vicieux de décompensation et d’épuisement dont il est difficile de se sortir sans changer radicalement son mode et son hygiène de vie.
La Pédagogie Neuro-Visuelle s’intègre idéalement dans une approche globale, en parallèle de TCC et/ou d’autres thérapies mentales, corporelles, énergétiques : psychothérapie, techniques de relaxation, méditation, massages, ostéopathie, chiropraxie, kinésiologie, etc.
Elle permet, au moment du bilan PNV initial, d’observer et de mesurer, objectivement, les réactions inconscientes et involontaires du système nerveux face à des stimuli visuels visant à représenter les fonctions et facteurs de stress du quotidien. On observe chez les personnes à différents stades d’épuisement nerveux des réactions nerveuses considérablement altérées. Ce phénomène est malheureusement trop rarement pris en compte ou inclus dans la prise en charge globale de ces personnes.
La phase de suivi PNV permet, grâce à la neuroplasticité, de réapprendre au système nerveux à fonctionner correctement, de réécrire et réorganiser ces voies neuronales erronées. Le cerveau apprend à réajuster progressivement les réactions nerveuses disproportionnées. Au fur et à mesure que le système nerveux retrouve un fonctionnement plus équilibré, les difficultées liées à l’épuisement nerveux s’atténuent : l’énergie, la motivation et la capacité décisionnelle reviennent, la clarté d’esprit et le discernement se font ressentir. L’anxiété, les tensions et l’irritabilité diminuent en fréquence et en intensité au fur et à mesure des séances. Les émotions reprennent leur place juste, et le dialogue en devient plus aisé. L’apaisement, la confiance en soi et la joie de vivre renaissent.
Suite à la période de repos et aux éventuelles approches thérapeutiques, une véritable reconstruction de la personne est nécessaire. Sortir d’un épuisement nerveux est un processus long et conséquent.
Les gens parlent souvent d’un “avant” et d’un “après” burn-out, car même pour ceux qui parviennent à s’en sortir et à se reconstruire jusqu’à retrouver un équilibre, ils s’en trouvent profondément changés, et ce, de manière irréversible. Pour ceux qui auront pu être pris en charge correctement et qui auront su se remettre de cette expérience douloureuse, “l’après” burn-out peut être une réelle renaissance, le début de leur nouvelle, vraie vie.
Je tiens à remercier l’ensemble de l’équipe newsletter (Florine Marchese et Marina Jaquet) pour le travail en collaboration mis en place autour de la rédaction de cet article. Aussi, je remercie les intervenants et professeurs en ergonomie rencontrés au cours de mes études et interventions en entreprise. Ils ont su me transmettre leur savoir-faire et compétences avec passion.
Enfin, merci à l’ensemble des personnes touchées par le burn-out pour leur confiance lorsqu’ils m’ont apporté leurs témoignages encore douloureux.
Duhil de Bénazé
Praticienne PNV
Ergonome du travail et IPRP
Delagrange
Praticienne PNV
24100 Bergerac
1. “Quel est le profil des personnes exposées au burn out ?” de Catherine Fournier et Pascale Boudeville
2. “Mécanismes physiologiques du stress : alarme, résistance, épuisement”
3. “Le burn-out des quinquas” (2013), Chapitre 11 : Le burn-out privé ou d’origine non professionnelle de Barbara Zablocki, Nathalie Uyttendaele, Jean-Émile Vanderheyden
4. “Burn-out : les résultats des dernières études en imagerie cérébrale” de Emma Pitzalis
Références :
Stress au travail : tout savoir sur le burn-out – site de l’assurance maladie
Cours de Master – Ergonomie du travail – Lyon Lumière.
Article “Traitement du burn-out – Réseau du traitement de l’épuisement professionnel” : traitement-burnout.be
Article “Neurofeedback et burnout” – centeduburnout.org
Article “Stress et burn -out” – neur-sb.com
“Burn-out et burn-in : quells differences?” – site NeuroNaturel
Modèle de la “matrice de KARAZEK”
Ouvrage: “Ergonomie” – P. Falzon